Dans une période où le futile envahit trop souvent notre quotidien le challenge des générations futures sera d’accéder à la modernité sans renier l’authenticité. Coco Chanel visionnaire dans la mode mais aussi dans cette simple citation écrivait « Les temps difficiles suscitent un désir instructif d’authenticité ». Le Cerf à Rougemont près de Gstaad dans ce beau pays d’Enhaut helvétique est un peu le témoin de ce challenge. Pourquoi? La suite de cet article vous donnera la réponse…
Le Cerf c’est un Café Restaurant chargé d’histoire depuis 1958. Des têtes couronnées, des artistes, des gens célèbres, des inconnus, des indigènes y ont leurs habitudes. Citons juste un extrait de la longue liste: Elizabeth Taylor, Julie Andrews, David Niven, Pablo Neruda, Johnny Hallyday. J’ai eu moi même le plaisir d’y dîner avec le regretté pilote de F1 Ferrari Michele Alboreto. Pour les fêtes des clients appellaient de New York, Londres, Milan pour réserver bien en avance leurs tables dont la mythique alcove pour la Raclette légendaire tout en écoutant un air d’accordéon. Jacqueline avait pris la suite de ses parents en perpétuant la réputation jusqu’à son dernier service plein d’émotion en Mai 2018.
Laura Grohe
Laura Grohe et sa famille en amoureux de la région ont repris le Cerf qu’ils rêvaient de posséder et qui a réouvert en février 2019. Laura est une architecte d’intérieur de renom passée par les grandes écoles de décoration de Londres et Lausanne. La « nouvelle » philosophie était comme elle dit « changer sans rien changer ». Les anciens clients en rentrant doivent ressentir que l’âme du Café est toujours présente ajoute t’elle. Quelle justesse de vision dans la simplicité de ces reflexions. Laura est jeune mais montre ainsi un beau sens du respect des valeurs et des traditions. C’est encourageant pour notre monde bien secoué de voir les nouvelles générations avec une belle conscience.
Les changements elle les a fait avec subitilié et bon goût. C’est jamais overdressed évitant le risque de transformer le lieu en annexe de Disneyland.
La salle du haut ci dessus est nouvelle, chaleureuse dans sa générosité d’espace.
Edgard Bovier à gauche avec le chef Yanick Poidevin
Côté cuisine les nouveaux propriétaires ont eu l’intelligence de faire appel à Edgard Bovier pour superviser le Cerf. Edgard Bovier a été le chef bien connu et étoilé de la Table d’Edgard du Lausanne Palace. Mais Edgard c’est pour nous une belle personne en plus d’être un Chef de grand talent. Quarante d’années de vie privée ou professionnelle dans les vallées autour du Cerf qui mieux que lui pouvait interpréter la vraie partition du lieu et sans fausse note? Tout ce temps l’a nourri des richesses et de l’intimité de ce terroir qui s’inspire du cycle imuable de la nature. Il a écrit un très beau livre sur le fromage AOC Etivaz qui est fait avec le lait des fermes de Rougemont et du pays d’Enhaut. Dans ce livre on retrouve de savoureuses recettes reprises au Cerf comme les Malakoffs, l’excellente tarte aux blettes, l’emincé de veau Roesti doré salade sauce maison, le vrai pot au feu, Le filet d’omble en papillote Parfum de sapin, beurre blanc au vin de Lavaux, le sorbet Joséphine Arrosé d’Abricotine 2cl, le café glacé Le Cerf Meringue au feu de bois…
La tarte aux blettes sauvages
Les Malakoffs au fromage AOP du vieux Fort de la vallée
Les authentiques viandes séchées des montagnes locales, beurre salé de fromagerie
Le pot au feu comme on l’aime
Tarte aux pommes cannaille avec sa pâte à gâteaux artisanale
Edgard Bovier a choisi le chef sur place qu’il fallait en la personne de Yanick Poidevin.
Le Cerf c’est aussi et surtout pour beaucoup la raclette et la fondue. Une longue reflexion pour la sélection des fromages donne un résultat étonnant estompant le surgras souvent présent dans ces plats. Pour la raclette les vieux appareils ont été remplacés pour réduire les odeurs après un débat existentiel qui gardera toujours ses « Pour » et ses « Contre ». Nous avalisons cette entorse au passé pour notre part car ainsi nous n’aurons plus à mettre nos vêtements pendant trois jours sur le balcon pour les « décontaminer ». Un bon choix de crus Vaudois et Suisses surtout à des prix abordables comme l’est la cuisine du reste. Vous pouvez commander par décilitre. Comme quoi il est possible d’offrir dans la région de Gstaad une belle prestation sans prendre le client pour un Oligarque Russe.2 dl d’Yvorne et non d’Ivrogne comme disait une personne qui m’était chère…
Le service complice avec la souriante Patricia est charmant, enthousiaste et professionnel ce qui est important vous le savez pour nous qui en avons assez des services robotisés et transparents. Un restaurant c’est une globalité et si le plat a de l’importance le rythme, le cadre et le service permettent réunis de partager un moment unique.
Enfin comme c’était la tradition au Cerf il y a de la musique avec les soirées champêtre du Vendredi avec l’orchestre de Bernard Henchoz. Ce dernier joue entre autre de la scie en utilisant un archer de contrebasse. A voir et surtout à entendre une fois dans sa vie.Bernard Henchoz et son orchestre
« La vie sans musique, c’est comme une fondue sans vin blanc » écrit Bernard. Cela va fort bien au Cerf comme reflexion.
En conclusion nous pouvons écrire que le Cerf est un bel exemple de challenge réussi grâce à la famille Grohe, Edgard Bovier, et toute l’équipe qui a débuté la nouvelle aventure. Qu’ils n’oublient pas qu’ils ont reçus la tradition en héritage et cet article en restera le témoin.
Rougemont (VD) ++41 26 925 81 23